Nocturne dans le parc.

Erillia devait bien se l'avouer: Elle était cuite, complètement cuite.

Elle se pensait pourtant prête à le revoir, elle croyait pouvoir se comporter en adulte et surmonter tout ça. Grossière erreur.

Elle déambulait dans le parc, des larmes roulant sur ses joues. Elle l'aimait. Comment tout avait pu dégénerer à ce point? Pourquoi surtout? Elle se laissa glisser le long d'un tronc.

Elle avait perdu les deux hommes qu'elle aimait... et elle allait devoir voir l'un des deux filer le parfait amour sous ses yeux...

Elle ne le supporterai pas.

Revoir Erillia l'avait secoué. Détruit serait plus juste d'ailleurs.

Sirius déambulait dans la fraicheur du parc, la lune suffisant à éclairer son chemin. Elle se reflétait dans le lac avec une intensité incroyable, illuminant la nuit d'une lueur presque aussi forte que celle du soleil, si ce n'est qu'elle était plus diffuse et moins rayonnante. Sirius se sentait fragmenté, comme le soir où il avait rompu avec Erillia, à la suite du baiser qu'elle avait échangé avec Mr Fightening.

Il secoua la tête. Rapidement, il ôta sa chemise, la jeta à terre et se mit à courir. Sans réfléchir, il se jeta dans le lac et nagea un long moment sous l'eau avant de refaire surface pour regagner la rive. Il se sentait mieux.

Lorsqu'il emergea lentement de l'eau, ruisselant de goutelettes scintillantes, il se rendit compte qu'il n'était pas seule.

Levant les yeux, il aperçu Erillia qui se tenait juste en face de lui, adossée au saule. Elle le regardait d'un air ahurit.

Il se figea.

"Mon dieu qu'il était beau" fut la seule phrase qui vint à l'esprit de la jeune femme lorsque Sirius émergea du lac devant elle. Elle ne pouvait détacher son regard de lui. Lentement elle se leva, titubant un peu et se colla contre l'arbre. Elle avait peur. Peur qu'il la détruise encore. Peur de lui faire du mal.

Ils se fixaient en silence, ne bougeaient pas. Les larmes coulaient en abondance sur les joues d'Erillia, ses yeux devenaient verts par intermittence. Elle ne bougeait pas, son visage tordu dans une expression de douleur et de désespoir. Ne pouvant plus supporter le regard de Sirius sur elle, elle cligna des yeux et dit d'une voix renversée:

-Je... euh... je... je m'en vais... pardon de t'avoir dérangée, dit-elle en avançant d'un pas dans le but de rejoindre le château.

Mais à peine eut-elle fais un pas qu'elle se prit les pieds dans une racine et, l'alcool aidant, elle bascula en avant.

Sirius s'avança vivement et retint la jeune femme par le bras, l'empêchant ainsi de s'étaler par terre. Avec fermeté mais sans violence, il la fit asseoir contre le saule avant d'aller récupérer sa chemise. Il ne l'enfila pas mais la porta près de la jeune femme, la posant non loin d'elle.

Il s'agenouilla sur l'herbe froide et marmonna :

- T'es bourrée Erillia ... Tu n'en as pas marre de l'alcool ? Tu fais de drôles de bêtises sous son emprise, tu le sais ça pourtant ...

Il secoua la tête d'un air désapprobateur.

Erillia eut un petit rire sans joie.

-Ben écoute, ça à le don de me faire oublier ce qui me fais mal, me faire oublier tout ça... Et la dernière fois j'avais pas vraiment demandé à me faire embrasser par lui tu sais... même si tu veux pas me croire...

Elle s'appuya contre le tronc et passa sa main sur sa joue.

-Je suis pitoyable..., murmura-t-elle en voyant sa main toute mouillée.

Elle regarda à nouveau Sirius et dit d'une voix éteinte:

-Désolée de te faire à nouveau perdre ton temps...

Sirius ne répliqua pas. Il la regarda d'un air un peu surprit mais pas spécialement chaleureux avant de dire d'un ton étrange :

- Tes yeux ont changés de couleurs ... J'aimais mieux le vert.

Puis il se tut et regarda la lune se refléter sur l'onde encore troublée du lac. Un ange passa avant qu'il n'ajoute à voix basse :

- Tu ne me fais pas perdre mon temps. Tu le hantes.

Il haussa les épaules et s'allongea dans l'herbe.

Erillia soupira est ramena ses genoux contre elle.

-Mes yeux c'est normal... Je me suis fâchée avec la famille de mon père adoptif... ils m'ont empêchés d'aller à l'enterrement, dit elle en fondant à nouveau en larme. Je crois que ça a été la goutte de trop. Et je suis navrée de hanter ton temps comme tu dis...

Elle avait les yeux dans le vague. Lui parler ainsi avait quelque chose d'irréel. Elle n'avait qu'une peur c'était qu'il ne la détruise en repartant et en lui disant qu'il ne l'aimait plus. Elle se rattachait à cet amour comme à une bouée de sauvetage.

"Je t'aime" pensa-t-elle en rétablissant malgré elle leur connection mentale. Elle ne s'en était pas rendue compte.

La voix d'Erillia résonna dans sa tête. Deux mots si simples, qui faisaient si mal ... Il ferma instantanément son esprit, de peur qu'elle n'y lise ses sentiments. Il ne voulait pas qu'elle se rende compte de sa douleur, de ses blessures. Il préférait qu'elle le croit fort, ça lui ferait moins mal.

Mais ces deux mots avaient réveillé en lui des sentiments uniques, qu'il n'éprouvait que pour elle. Il aimait Lily, c'était certain, mais le lien qui le rattachait à Erillia était encore trop fort, trop vif et trop beau pour qu'il puisse tirer un trait dessus. en se sondant un peu, il comprit qu'il n'en avait même plus envie. Il aimait encore Erillia, malgré sa trahison, malgré sa douleur. Il se haïssait lui même pour cela.

Entre Lily et Erillia, que devait-il faire ? Il n'en savait rien. Déchiré, tiraillé, il murmura :

- Si je te dis que moi aussi, tu vas reprendre espoir. Mais depuis ton départ, il s'est passé tellement de chose ... Les sentiments que j'avais pour Lily se sont réveillés, je les vis maintenant au grand jour. Même avec la blessure que tu m'a faite, je ne peux pas renier notre amour. Et maintenant, je suis perdu.

Un sourire cynique effleura les lèvres du jeune homme. Une fois encore, il se livrait sans tabou à la femme qui avait été son amante. Comme si rien n'avait changé, si ce n'est qu'il ne la tenait plus dans ses bras, ne l'embrassait plus et ne lui prouvait plus son amour.

Elle était en face de lui, fragile et larmoyante. Machinalement, il tendit la main pour essuyer un peu ses larmes. Lorsque ses doigts touchèrent la joue de la jeune femme, il se retint de frissonner et effaca lentement les sillons humides que laissaient les pleurs.

Il lui caressait la joue, mais ce geste lui semblait irréel.

Erillia, sentant les doigts de Sirius se retirer de sa joue ne put s'empêcher de les retenir faiblement.

-Tu... tu l'aimes alors? demanda-t-elle, sentant son coeur se déchirer en milles morceaux.

C'est alors qu'elle vit un hiboux s'approcher de Sirius, une lettre à la patte.

Sirius retira ses doigts facilement, les dégageant sans peine de l'emprise de la jeune femme.

Il se releva et vit le hiboux, qui fonçait droit sur lui. Surprit, il tendit une main pour lui permettre d'atterrir et hurla de douleur lorsque le bec du volatile s'enfonça dans sa chair. Il arracha vivement la lettre et donna un coup du plat de la main sur le hiboux, l'envoyant voler plus loin avec force et colère.

- Saleté !

Il défit l'enveloppe et se mit à lire, étonné. Son visage blêmit au fur à mesure qu'il lisait et il ouvrit la bouche. Un gémissement de douleur s'échappa de sa gorge et il laissa tomber la lettre pour se mettre à courir vers la volière, oubliant sa chemise près d'Erillia.

Il courait à perdre haleine retrouver la fille qu'il aimait.

Erillia regarda avec ébahissement Sirius partir en trombe torse nu vers le château. Après plusieurs minutes d'attentes, son regard se posa sur la lettre. Hésitante, elle la prit dans ses mains et commença à lire. Arrivée au bout de la page elle rejeta la lettre comme si celle-ci lui avait brûlé les mains.

Elle ne pouvait pas faire ça. Elle n'avait pas le droit de s'immiscer dans le couple de Sirius. Il serait plus heureux avec Evans, il n'aurait pas tout ce stress, tout ces secrets... Oui, elle devait s'effacer, il méritait d'être heureux.

Mais elle ne pouvait pas! Elle était une gryffondor! Les gryffondors n'abandonnent jamais...

Que faire? Erillia était perdue. Prenant son visage entre ses mains elle pleura encore puis se décida:

Si elle voyait que Sirius était plus heureux avec Lily qu'avec elle, elle... s'effacerait... tant bien que mal. Si c'était le contraire... elle ferait tout pour ce faire pardonner... parce qu'il était son oxygène.

Avisant la chemise à côté d'elle, la jeune femme la prit et enfouie sa tête dedans. L'odeur de son ancien amant l'enivrait. Tant bien que mal, la professeur de sortilèges se leva et rentra au château, la chemise serrée dans son poingt.

Cela commençait bien.