...il faut le laisser entrer (tour d'astronomie)

Elisabeth était parvenue tout en haut des marches. Essoufflée mais heureuse d'être arrivée.

Elle s'accouda sur le pararapet de béton et contempla le parc qui s'étendait à ses pieds. Il s'étirait à perte de vue, un océan de verdure qui ondulait sous les rayons chauds du soleil. L'astre du jour, si près, qu'elle pourrait le toucher du bout des doigts. Le toucher et se brûler sous son feu ardent. Etre consumée par ses rayons brulants. Comme cette légende moldue, ce Icare qui s'est brûlé les ailes à voler trop près du soleil. Quel effet cela ferait-il de voler ?

Elle faisait le point sur sa vie, sur sa carrière.

Totalement perdue dans ses pensées, et le visage baigné par la douce chaleur du soleil.

Sirius avait besoin de regarder le monde. D'admirer le paysage qui environnait le château magique. Et pour ça, il connaissait un endroit parfait : la tour de divination. Du balcon de cette tour, la vue était magnifique et enchanteresse.

Il grimpa donc rapidement les escaliers en colimaçon qui menait à la salle de cours de Mrs Trelawney. Une fois arrivé, il se dirigea vers le balcon d'un pas souple et léger, silencieux.

Soudain, une aura froide l'arrêta. Il leva la tête et remarqua une chevelure sombre et luisante. Une silhouette était accoudé au balcon qu'il convoitait. Une femme magnifique et ténébreuse. Ombrage.

Il hésita un long moment, tiraillé entre l'envie de repartir sans se faire remarquer et celle d'aller s'accouder à côté d'elle pour regarder le paysage. Puis, son goût du danger et son besoin de paix l'emporta.

Il avança sans bruit et s'appuya tranquillement au balcon, plongeant son regard dans la magnificence du paysage qui s'étendait à perte de vue.

Le lac était enfermé dans une multitude de montagne aux sommets enneigés qui se perdaient dans les nuages. Ces derniers volaient bas en cette fin de matinée, mais le soleil brillait déjà très haut dans le ciel, inondant la nature d'une chaleur printanière très agréable. Une douce brise agitait la cime des arbres de la forêt interdite, secouant aussi les branches du saule pleureur au bord du lac, ce qui créait des milliers de ronds dans l'eau. La surface du lac était calme, bien que troublée au bord par le saule. La pierre du château semblait absorber la lumière du soleil et de ce fait, il rayonnait de chaleur. Des groupes d'élèves étaient allongés dans l'herbe douce et ondoyante, profitant avec bonheur de ces premiers vrais jours de printemps.

Sirius sourit, apaisé par ce spectacle.

L'inquisitrice remarqua seulement la présence de Sirius, lorsque celui-ci s'accouda à son tour au balcon. Il semblait aussi perdu dans ses pensées. Il contemplait le parc, sans un regard pour Elisabeth. Elle n'y fit pas attention. Visiblement pour s'isoler ici, il avait besoin de solitude, autant qu'elle. Il ne dit pas un mot, l'ignorant totalement. Elle ne savait pas quoi penser à son sujet. Toute cette colère réfoulée qu'il avait en lui. Toute cette gentillesse qui émanait de lui.

Et puis, il y avait eu cette danse. Cette valse. Ce moment de grâce. Ils avaient tourbillonné, elle l'avait suivi dans des chemins inconnus. Ceux du plaisir, d'un instant de bonheur partagé à deux.

Elle estimait beaucoup cet élève. Il l'intriguait au plus haut point.

-Le parc est magnifique vu d'ici, n'est ce pas ? murmura-elle d'une voix douce.

Sirius tourna lentement la tête vers l'inquisitrice. Le spectacle que la nature lui avait offert l'avait totalement apaisé. Il était détendu et calme. Aussi adressa-t-il un sourire à son interlocutrice en répondant :

- Oui ... Elle est époustouflante.

Il se replongea en souriant dans la contemplation du paysage. Puis, sans la regarder il demanda d'une voix calme et songeuse :

Vous venez souvent chercher ici la paix et le calme qui nous manque cruellement lorsque nous sommes en société ?

Perdue dans la contemplation d'oiseaux qui volaient. Elle lui répondit sans le regarder non plus. Les volatiles avaient entamé un ballet aérien qui semblait magique, féérique. Ils zigzaguaient de gauche à droite, de haut en bas, sans jamais se toucher. Se frôlant au millimètre près, comme une chorégraphie orchestrée depuis des millénaires. Un instinct ancré en eux depuis des décennies.

-Non, depuis que j'ai pris mes fonctions ici, c'est la première fois que je viens là. Et vous, fuyez-vous souvent la société, et ses regards ?

Sirius esquissa un sourire amusé mais ne la regarda pas. Il s'accorda un instant de réflexion avant de répondre d'un ton doux :

- Je ne fuis pas les regards de la société. Je fuis son agitation. La solitude est un chemin qui doit se choisir, et non s'imposer. C'est ainsi que l'on peut apprécier la solitude. Quand on la désire ...

Il se tut et regarda au loin, dans la vallée qui renfermait le lac. Il laissa les rayons du soleil caresser son visage un moment avant de reprendre :

- J'ai besoin de quelques instants de solitude, souvent. Alors je viens ici. La vue est un excellent remède contre la colère et l'irritation ...

Il se tut pour de bon, regardant les oiseaux planer dans l'immensité azur qui s'étendait à perte de vue au dessus de sa tête.

-Exactement. Ce parc a le don d'apaiser les âmes les plus tourmentées.

Cette fois-çi, elle se tourna franchement vers lui. Elle ne comprenait pas pourquoi un élève, un adolescent avait besoin de cette solitude. Il devrait normalement être en train de s'amuser avec es jeunes de son âge, courir après les filles, comploter contre les Serpentards. Non, vraiment Sirius Balck était à part. Un élève qui sortait des sentiers battus.

-Pourquoi...Que faites-vous ici exactement ? Pourquoi avez-vous besoin de cette solitude ? Ne devriez-vous pas être avec vos amis, votre petite amie ?

- Pourquoi...Que faites-vous ici exactement ? Pourquoi avez-vous besoin de cette solitude ? Ne devriez-vous pas être avec vos amis, votre petite amie ?

Elle s'était tourné vers lui. Gentiment, sans colère ni mouvement brusque, il lui fit face. Il n'eut pas peur de plonger son regard dans la glace de l'inquisitrice. Et, lentement, il répondit :

- Je suis un solitaire. La compagnie de mes amis est plaisante, mais j'ai toujours été seul, depuis ma plus tendre enfance je crois. C'est une habitude. Et j'imagine que vous le savez, les habitudes sont dures à perdre ... Voilà pourquoi je viens régulièrement chercher refuge ici.

Sirius adressa un sourire à l'inquisitrice avant de se pencher de nouveau au balcon. D'un geste de la main, il engloba le paysage et murmura :

- Parfois, un paysage est plus réconfortant que la chaleur d'un ami. Pas toujours mais ça arrive ... Et pour moi, c'est ce qui se passe en cet instant.

Il se tut.

L'inquisitrice se replongea aussi, dans la vue du parc. Seul le silence les accompagnait sur la tour d'astronomie. Elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire par 'plus réconfortant que la chaleur d'un ami'. Elle ne voulait pas lui demander. Elle ressentait son besoin de solitude, plus que quiconque.

Mais il fallait qu'elle travaille. Sa mission. Elle se fit violence, et lui posa la question. Enqueter. Décortiquer. Voilà ce pourquoi elle était ici.

-Que voulez-vous dire par 'plus réconfortant que la chaleur d'un ami' ? Vous n'avez pas d'amis ?

Elle se dégoutait. Elle appréciait beaucoup ce jeune homme, malgré leur rencontre quelque peu chaotique. Elle éprouvait un certain respect pour sa personne. Et l'analyser sans cesse. Le faire parler, tout ça la fatiguait. Pour une fois, elle aurait voulu être loin de Poudlard. Loin de cette tour.

Le sourire de Sirius tomba. Il répondit pourtant calmement :

- Si. J'ai des amis. Je suis fidèle et dévoué.

Il marqua une pause, passa une main dans ses cheveux, et reprit :

- Mais aussi compréhensifs, sympathique et présents soient-ils, j'ai besoin de solitude. Un ami, quel qu'il soit, ne peut pas toujours tout comprendre de vous ... Alors, il faut un temps de réflexion. Et pour réfléchir sur soit-même, il vaut mieux être seul et au calme.

Il se tourna vers l'inquisitrice et lui adressa un regard vaguement interrogateur. Il hésita un instant avant de demander, d'une voix mélancolique :

- Avoir besoin de solitude doit vous arriver de temps en temps non ?

L'inquisitrice se retourna et se laissa glisser le long du mur. Elle s'assit par terre et rassembla ses genoux devant elle. Elle baissa la tête, ses longs cheveux couvrant son visage. Elle répondit d'une voix monotone à Sirius. Elle était tellement...elle ne savait pas quoi au juste. Fatiguée. Lassée.

-La solitude est ma vie. Je n'ai pas d'amis. J'ai un collègue que je n'ai vu qu'une fois au bal. Dans ce chateau ma présence n'est pas la bienvenue. Votre professeur de sortilège me hait. De toute façon je ne l'aime pas non plus. Alors, voyez-vous la solitude est ma compagne.
-Vous êtes fidèle en amitié, c'est bien. Il faut des amis pour apprendre, comprendre la vie.

Elle soupira et releva la tête vers le profil du jeune homme qui se découpait dans la clarté du jour. Il était un troublant mélange de fougue, de jeunesse, et de sagesse.

-Je désirerai être seule. Pourriez-vous me laisser ? demanda-t-elle gentiment. Presque en suppliant.
Elle ne voulait pas interroger cet élève. Elle ne voulait pas faire son travail grâce à lui ou plutôt à ses dépends. Elle se refusait de l'utiliser comme une marionnette, pour le ministère. Elle l'estimait beaucoup trop pour faire ça.

Sirius avait écouté la jeune femme sans l'interrompre. Il admirait sa force de caractère et sa fierté, qu'elle n'avait pas peur de baisser en sa présence. Pour cela, il l'estimait et la respectait.

D'un seul coup, la jeune femme n'était plus dangereuse. Les mises en garde qu'Erillia lui avait dites perdaient tout leurs sens, elle n'était plus l'inquisitrice en ce moment précis. Elle laissait entrevoir une certaine faiblesse, tenue et à peine perceptible, mais présente.

Son regard de glace exprimait simplement une intense lassitude, une fatigue qui ne datait surement pas d'hier. Il était peiné de la voir ainsi. Il la préférait pleine de fougue et de colère, quand elle était provocante comme le tonnerre, éclatante comme les éclairs et magnifique comme un ciel d'orage. Mais en cet instant, elle ressemblait à une femme fatiguée qui en aurait trop vu dans sa vie. Pourtant, même ainsi elle était attirante. En fait, plus il la regardait, plus elle lui semblait humaine. Loin de l'iceberg glacial qu'il croisait parfois dans les couloirs et qui faisait surgir en lui une colère immense et incontrôlable. Là, elle avait l'aura presque chaleureuse d'une humaine, simplement.

Alors, Sirius lui adressa un franc sourire. Gentil, rassurant et plein de respect. Il s'inclina et murmura :

- Bien sur Madame.

Et, sans rien ajouter, il s'en alla.