Petite balade pas si solitaire que ça...

Erillia, après sa discussion avec Evye décida d'aller faire un tour dans la Forêt Interdite. Elle n'y était pas allée depuis des lustres et l'atmosphère calme de la vieille forêt lui manquait. Elle se dirigea vers celle-ci avec discretion puis, arrivée aux premiers arbres elle se transforma en tigresse. Elle adorait cette sensation de liberté animale. Son ouïe affinée pouvait entendre jusqu'au moindre chuchotis. La liberté.
Elle avançait dans la forêt ne craignant pas de se perdre. Elle y avait passée tant de temps! Alors qu'elle reniflait un arbre elle entendit une branche craquer derrière elle et se retourna en position d'attaque, les babines retroussées laissant à découvert ses crocs brillants tandis qu'un grognement sourd sortait de sa poitrine.

Sirius avait suivit la tigresse, qu'il avait reconnu être son amante. Des yeux verts comme ceux là ne se pouvaient appartenir qu'a la femme de son coeur. Alors il s'était métamorphosé dans les bois et l'avait suivit à l'odeur. Il ne la voyait pas et refusait de s'approcher afin qu'elle ne se doute pas de sa présence. Il savait qu'elle avait l'oreille très fine et que son odorat était très développé. Alors il la suivait à longue distance.

Puis, il en eut marre et se mit à courir dans sa direction, non sans avoir vérifier qu'aucune odeur intruse flottait dans les airs. Lorsqu'il fut suffisamment près, il ralentit et avança prudemment vers la forme sombre qu'il devinait entre les arbres.

Il s'avançait toujours lorsqu'il fit craquer une branche sous ses pattes. Il jura intérieurement et ne broncha pas face à la vive réaction de la tigresse.

Il plongea ses yeux mordorés dans les lacs verts de son amante.

La tigresse était tendue prête à bondir lorsqu'elle reconnut le chien qui lui faisait face. Elle se détendit un peu mais ne baissa pas sa garde redoutant un piège. Elle huma l'odeur de l'animal qui lui faisait face et, reconnaissant celle de l'homme qu'elle aimait, elle se rapprocha un peu de lui avec un regard d'excuse puis frotta sa lourde tête de félin contre celle du canidé en face d'elle.

Elle était heureuse de voir qu'il était là même si elle aurait préféré qu'il se repose dans sa salle commune et évite de lui courir après. Il sortait du coma bon sang!

Si seulement elle était capable de lui faire des reproches..., soupira-t-elle en maudissant son incapacité à lui en vouloir.

Sirius retroussa les babines en un rictus canin. Même sous cette forme, il avait un espèce de sourire amusé. Il inclina la tête et sorti la langue. Puis il s'approcha en dansant de son amante et se mit à lui tourner autour d'un air joueur. Il lui donnait de temps à autre de grands coups de langue sur le museau.

Soudain, il s'immobilisa et dressa les oreilles. Puis, il adressa à la tigresse un regard presque malicieux et fila comme une flèche dans les bois de plus en plus sombre.

Erillia resta impassible pendant que Sirius la taquinait. On dirait un chiot, lui souffla son instinct animal. Elle rit intérieurement.

Soudain, elle le vit afficher un sourire absolument canin et partir comme un fou en direction du coeur de la forêt. La tigresse leva les yeux au ciel. Quel gamin! Puis, elle poussa un grognement amusé et partit comme une flèche en direction du chien, ses pattes touchant à peine terre.

Elle le rejoignit en moins de deux. Elle était beaucoup plus rapide que lui! Arrivant à sa hauteur elle lui fit un clin d'oeil, retroussa ses babines en un sourire moqueur et le dépassa, disparaissant parmi les arbres.

Quelques instants plus tard elle arriva dans une prairie. Sa prairie. Celle où elle se réfugiait plus jeune, lorsqu'elle avait besoin de réfléchir ou d'être seule. Elle était fière de se souvenir encore de l'endroit où elle était.

La jeune tigresse s'allongea au milieu de la prairie, laissant les derniers rayons du soleil lui caresser le pelage et se mit à lécher ses coussinets avec application et méthode.

Sirius vit qu'elle l'avait doublé. Il la suivit rapidement sans pour autant la dépasser. Il ne savait pas où elle allait. Curieux, il se contenta donc de la suivre. Puis, voyant qu'elle s'était arrêtée dans la prairie que Cornedrue, Lunard et lui avait découvert un jour qu'ils séchaient la divination, il esquissa un sourire canin et se métamorphosa.

Il la regarda un instant se lécher les pattes. Son pelage brillait sous les derniers rayons du soleil. Même ainsi, elle le fascinait et faisait battre son coeur. Il soupira et entra dans la clairière, souriant.

Les rayons du soleil éclairèrent son visage avec l'intensité du soir.

Erillia vit du coin de l'oeil Sirius l'admirer depuis un coin de la prairie, humain. Elle se métamorphosa donc, se retrouvant allongée sur le ventre, sa tête reposant sur ses mains en coupe. Elle sourit, le regard vague, attendant qu'il la rejoigne. Le soleil lui caressait maintenant le visage. C'était comme dans un rêve...

La prairie prenait un air de contes de fée à cette heure de la journée. Les cimes des arbres étaient comme soupoudrés d'or et l'herbe semblait briller de milles éclats. La jeune femme s'était changée avant de venir ici. Elle portait une robe blanche qui faisait comme une tache sur l'herbe verte et or.

Elle était terrible. Magnifique. Mutine. Tellement craquante ... Sirius resta un moment à la regarder ainsi. Des images défilaient devant lui.

Eux plus tard, elle en robe blanche et lui en costume, souriant de bonheur ... Eux dans une maison chaleureuse, elle avec un gros ventre et un sourire étincelant ... Eux dans un hôpital, un petit être dans les bras d'Erillia et des étoiles dans leurs yeux ... Eux dans la maison avec un petit bonhomme qui apprends à marcher ... Eux avec deux petits monstres riant aux éclats ... Eux vieux, dans des fauteuils aux soleils, se tenant la main en souriant ...

Un éclair vert. Un cri de douleur. Des hurlements et des sanglots. Erillia inerte sur le sol, lui hurlant sa rage et son désespoir, son chagrin. Des cadavres d'enfants. Erillia, morte.

Il se laissa tomber à genoux, tremblant. Hébétée d'angoisse. Pourquoi !? Pourquoi n'avait-il pas le droit de vivre heureux, comme tout le monde ? Pourquoi était-il destiné à tout perdre ?

Il se prit la tête entre les mains.

Erillia entendant un gémissement se retourna d'un bond. Il était la, agenouillé, se tenant la tête entre les mains et se balançant d'avant en arrière. Erillia paniqua.

-Sirius? SIRIUS?, cria-t-elle en se précipitant vers lui.

Que ce passait-il? Lui qui était souriant il y a à peine deux minutes? Le prenant dans ses bras, la jeune femme le berça, émue aux larmes par l'air désespéré de son amant. Elle lui murmurait des phrases creuses à l'oreille attendant qu'il se calme.

-Qu'y à t'il mon ange?,demanda-t-elle d'une voix angoissée. Répond moi! Sirius tu me fais peur!

Sirius était torturé. Les images continuaient à lui hanter l'esprit. Il avait bien entendu la voix angoissée de son amante, comme il sentait qu'elle l'enlaçait mais il était sous le choc. Il reprit doucement ses esprits et les images s'en allèrent d'elles même. Soulagé mais bouleversé, il se laissa aller contre le corps d'Erillia et murmura :

- Ne me lâche pas. S'il te plais ...

Il posa la tête sur l'épaule de la jeune femme et respira à plein poumon le parfum suave de ses cheveux. Il l'enlaça lui aussi et la serra contre lui.

Il n'aurait pas le droit au bonheur. Il le savait.

- Ne me lâche pas. S'il te plais ...


Erillia se serra contre lui. Elle ne comprenait pas, ne comprenait plus. Que ce passait-il? Elle avait peur. Des larmes se mirent à couler sur ses joues. Elle ne voulait pas qu'il les voit. Elle ne voulait pas qu'il découvre à quel point il lui avait fait peur, à quel point elle avait eu un frisson. Elle avait un très très mauvais pressentiment.

Elle le laissa mettre sa tête sur son épaule et se serra contre lui encore plus fort.

Qu'avait-il...?

Il n'avait pas le droit d'espérer. Mais il le faisait quand même.

Il recula et adressa un sourire rassurant à son amante. Il vit qu'elle avait pleuré. Il lui avait fait peur, surement. Il se pencha et embrassa ses cils avec douceur et tendresse avant de poser ses lèvres sur les siennes pour un doux baiser.

- Pardon Darling. Un coup de blue.

Il l'embrassa de nouveau et la releva en même temps que lui. Il lui serra la main et murmura :

- Je te rejoindrais cette nuit mon amour. Je te le promets.

Il se pencha, lui déposa un baiser sur le nez et s'éloigna, les mains dans les poches et le regard sombre.

-Attend!

Erillia avait crié. Il était hors de question qu'il la laisse ainsi après ce qui venait de se produire. Elle marcha à grandes enjambées et se plaça devant lui. Il avait le visage sombre.

-Explique moi, dit-elle d'une voix où la peur, l'inquiétude et la colère se mêlait.

Elle devait l'arrêter. Ne pas le laisser repartir avec les idées noires qu'il ruminait. Elle ne donnait pas cher de leur couple si elle le laissait partir...

-S'il te plaît, dit-elle d'une voix douce en plongeant ses yeux émeraudes dans ceux, noirs, de son amant.

Elle ne le laisserai pas partir.

Sirius fut surprit de la voir venir à lui. Elle voulait des explications. Elle ne le laissera pas partir. Mais il ne pouvait pas lui dire la vérité. Pas maintenant. Il soupira. La vie était d'un compliqué ...

- Je ne veux pas le dire. Pas maintenant. C'est trop vif.

Elle allait protester, il lui posa un doigt sur les lèvres et murmura :

- Je te fais confiance. Tu ne peux pas douter de ça. Mais il est des choses dont il est dur de parler. Même avec la personne de sa vie. J'ai du mal à parler de ça. Laisse moi un peu de temps. S'il te plais ...

Il aurait voulu sourire. Dédramatiser la situation, lui prouver qu'il allait relativement bien. Mais il n'y parvenait pas. C'était trop dur. Le masque désinvolte et rieur était tombé, il ne réussissait pas à le remettre. Alors il baissa la tête et murmura :

- Je t'en parlerais. Un jour. Je te le promets.

Il recula doucement, attendant de voir comment allait réagir Erillia.

Même avec la personne de sa vie...

Erillia eut un frisson... Même avec la personne de sa vie...

Elle baissa la tête, laissant s'échapper une larme.

- Je t'en parlerais. Un jour. Je te le promets.

Elle le sentit reculer. Ne voulant pas qu'il parte elle lui attrapa la main et se serra contre son torse.

-Je te fais confiance, murmura-t-elle en passant sa main dans les cheveux. Elle entremêla ses doigts aux siens. Je t'aime, ajouta-t-elle doucement en s'écartant.

Elle baissa la tête. Ne serait-il donc jamais heureux?

Elle avait entrelacé ses doigts aux siens dans un geste à la fois doux et effrayé. Elle avait peur qu'il parte et ne revienne plus. A dire vrai, Sirius n'était pas plus rassuré qu'elle sur ce point ...

Sirius regarda leurs mains nouées et manqua de hurler de rage. Le bonheur était juste là sous ses yeux. C'était Erillia son bonheur. Il en était malade de chagrin. L'aimer était la seule chose qu'il désirait.


Il ferma les yeux un instant et inspira. Il se pencha ensuite vers Erillia et, d'une main, lui releva la tête.

- Moi aussi je t'aime, Darling ...

Il l'embrassa doucement avant de reculer. Leurs mains se lâchèrent. Sirius ferma de nouveau les yeux. Puis il fit volte face et courut vers les profondeurs de la forêt. Il se transforma dans sa course et devint un gros chien noir.

Ce qui empêchait les larmes de ruisseler sur ses joues.

Erillia resta dans la prairie, seule. Celle-ci, qui avait toujours été son lieu de réflexion, lui paraissait désormais vide et angoissant. Elle se retransforma et gagna le coeur de la forêt interdite, là où se trouvait les centaures. Mais il n'y avait personne.

Déçue de ne pas avoir pu parler à Firenze qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps et qu'elle avait toujours bien aimé, elle se résigna à rentrer au château. Il était tard et elle commençait à avoir faim.

Elle espérait voir Sirius ce soir là tout en redoutant une confrontation avec l'homme de sa vie.

Patmol courait. Il s'épuisait à foncer dans la forêt sans se soucier des branches et des ronces qui lui écorchaient parfois la peau à travers l'épais pelage. Soudain, une branche lui érafla la joue.
Surprit et furieux, il cessa sa course perdue et s'allongea sur le sol recouvert d'une mousse douce et fraîche. Il se passa la langue sur sa blessure et remarqua qu'elle n'était pas très profonde. Seulement il aurait aussi cette égratignure sous sa forme humaine ... Tout comme les quelques unes qu'il avait sur le dos et le flanc ... Il grogna de dépit. Il n'aimait pas les petites blessures du genre, elles piquaient d'une manière désagréable.

La vie. Chose si complexe ... On ne demande rien à personne et voilà que l'on se retrouve à devoir remplir une vie entière d'occupation, de rêve et de réalisation. Les uns ont un destin qui ne posent aucun soucis. Ils le suivent sans poser de question. Les autres se rebellent et s'en sortent. Ou pas. Lui, il avait un destin négatif. Maudit. Il ne pouvait pas se rebeller contre une malédiction. C'était irrémédiable. Soit il mourait, soit il perdait tous ceux qu'il aimait. Ou il essayait de vivre cet impossible bonheur, sachant à quoi il s'exposait, lui et ceux qu'il aimait. Mais ça, il était bien trop généreux, bien trop passionné aussi pour le faire. Il refusait de mettre ses amis en danger. Que faire ? La question ...

Pour le moment, profiter du bonheur qu'il avait la possibilité d'atteindre. Oui, c'était la meilleure chose à faire. Rester vigilant tout de même ...

Un peu plus calme, il se releva et trottina vers la lisière du bois. Une fois là, il se transforma et monta rejoindre son amante. La lune était haute dans le ciel. Demi-Lune, Demi-Vie. C'était exactement ça ...